Quand l'entourage s'en mêle....

Pour ce nouvel article, j'avais envie de vous parler de la difficulté à faire face aux critiques et aux jugements auxquels nous sommes souvent confrontés quand nous sommes parents. Je rencontre souvent des parents confrontés aux remarques pas toujours bienveillantes de leur entourage. Cela va de la voisine, de la belle-mère, des inconnus dans la rue ou de la boulangère... Le comportement de nos enfants suscite souvent de vives réactions, allant du jugement, aux conseils non sollicités. Ce qui contribue souvent à nous faire sentir mal à l'aise, et rarement à nous aider. Alors, comment faire face aux réactions déplacées ?

Pourquoi cela nous met-il mal à l'aise ?

Lorsque nos enfants ne se comportent pas conformément à ce que nous ou la société attendons d'eux, et à fortiori , en public, cela suscite souvent, au mieux, des regards en coin réprobateurs, des soupirs lourds de sens, voire des remarques carrément désobligeantes, du genre "Cet enfant est capricieux !",  "Y'a des fessées qui se perdent !", "Ben voilà, encore un enfant roi !"ou encore "Qu'est ce que ça sera quand il aura 15 ans, vous allez vous faire bouffer !". Difficile alors de ne pas se sentir jugés en tant que parents, surtout que justement en tant que parents, nous sommes responsables de l'éducation de nos enfants, et donc, tout mauvais comportement de leur part est perçu comme une faille dans l'éducation que nous leur donnons. Face à ces réactions, nous nous sentons mal à l'aise, en particulier si nous nous attribuons l'entière responsabilité du comportement de nos enfants. Et plus nous prenons notre rôle à cœur, plus cela devient le reflet de nos propres manques éducatifs. Par ailleurs, si ces remarques nous atteignent à ce point, c'est aussi parce qu'elles mettent l'accent sur ce que nos enfants font de "mal". Elles appuient sur l'endroit où notre enfant n'est pas conforme à cette image d'Épinal d'enfant idéal, qui reste assis sans bouger, est poli, ne se roule pas par terre pour un oui ou un non, et reste parfaitement propre du matin au soir... Un enfant de papier glacé, quoi... Mais qui n'existe que peu dans la réalité. Ces remarques mettent en lumière ce qui est perçu comme nos propres carences en matière d'éducation, et ne nous aident pas à trouver un moyen d'agir de façon plus efficace. Elles sont donc rarement aidantes.

On peut y voir ici le résultat de l'éducation que beaucoup d'adultes ont reçue, qui insiste sur la répression ou le jugement de ce qui est perçu comme un mauvais comportement, et qui n'enseigne nullement comment agir de façon plus adaptée..Encore une bonne raison de réfléchir à ce que nous voulons pour nos enfants.

La culture du jugement

En effet, beaucoup d'adultes jugent, lorsqu'ils sont confrontés à quelque chose qui rentre en conflit avec leurs représentations de ce qui "devrait être", de "ce qui est normal", à leurs yeux...Difficile d'y échapper quand dans notre culture, on apprend aux enfant ce qui est bien ou mal, ce qui est bien ou pas bien, etc....

On a coutume de dire qu'un jugement ne parle QUE de celui qui l'émet. C'est ce que je lis assez souvent. Et je dois dire que je ne suis pas totalement d'accord avec ça. Pour moi, dans une relation, on est au minimum deux, et chacun a une responsabilité dans ce qu'il suscite chez l'autre. Et il me semble important d'avoir cela en tête pour pouvoir faire face aux critiques et gérer ce genre de relations de façon constructive.

En effet, derrière le jugement, il y a toujours une émotion. Et derrière toute émotion, il y a un besoin qui n'est pas entendu. Quelqu'un qui critique le comportement de notre enfant, est confronté à un comportement qui rentre en conflit avec ses valeurs - ce qui peut générer chez lui la peur de s’être trompé, le dérange - ce qui peut générer de la colère, ou génère de la peur pour nous. Oui, vous avez bien lu, c'est souvent le cas dans notre famille, quand on est critiqués sur l'éducation qu'on donne, c'est souvent par peur qu'on perde le contrôle et que nos enfants en grandissant nous marchent sur la tête (c'est souvent le cas quand notre comportement est perçu comme laxiste). Donc, l'intention est plutôt bienveillante, même si la forme laisse à désirer...

Un émotion a toujours une cause...

Comme nous l'avons vu, un comportement génère donc pour celui qui y assiste une émotion. Mais le comportement de notre enfant en est rarement la cause... C'est plutôt le déclencheur. La cause de cette émotion, c'est l'interprétation que notre interlocuteur se fait de la situation. Et c'est la même chose de notre côté. Si nous ne pouvons pas agir sur le jardin du voisin, nous pouvons agir sur notre part de responsabilité dans la relation. En effet, si nous nous sentons mal à l'aise face aux critiques, si nous nous sentons jugés, c'est parce que les remarques que nous recevons peuvent aussi faire écho à notre propre ressenti. Beaucoup de parents, et encore plus des jeunes parents, n'ont pas confiance en eux. La confiance en soi est liée à nos expériences, à la façon dont nous gérons les difficultés, nos réussites et nos faiblesses. Donc pour nous sentir confiants en tant que parents, nous avons besoin d'expérimenter que les stratégies éducatives que nous employons nous permettent d'atteindre nos objectifs éducatifs. Or, dans les moment où nous sommes confrontés à des comportements inadaptés de nos enfants, c'est précisément le moment où cette confiance est mise à mal.

Comment transformer une critique en expérience constructive ?

Nous avons pourtant le pouvoir de transformer une remarque désobligeante en expérience constructive pour nous. D'abord, en prenant soin de l'émotion que ces remarques suscitent chez nous. Ce n'est pas facile bien sur, nous sommes tentés de répondre par l'agressivité à ce que nous percevons comme une attaque personnelle de nos compétences parentales. Ou de nous faire tout petits tellement cette impression de mal faire nous fait ressentir de la honte. Pourtant, accueillir les émotions de notre interlocuteur, peut contribuer à l'apaiser et le transformer en allié précieux !

Brigitte a 40 ans. Elle a deux filles, de 4 ans et 18 mois. Un matin, elle est pressée, doit partir au travail et passer à la garderie déposer sa petite dernière, alors que la grande est partie à l'école avec son papa. La petite s'est mal réveillée, elle s'est sentie bousculée par le rythme du matin, a bu son biberon à la va-vite, bref, elle est grognon. Brigitte la met dans sa poussette et monte dans le bus qui les mène à la garderie. Et la petite se met à hurler. Et c'est parti pour les regards de travers....Mais Brigitte ne se laisse pas impressionner. Elle est gênée, bien sûr, mais elle prend sur elle et ne sait pas comment apaiser sa fille. Alors elle s'adresse aux passagers du bus qui la dévisagent :


"Je suis désolée, j'imagine que les cris de ma fille doivent vous importuner, elle est fatiguée, a mal dormi, et je dois l'emmener à la garderie. Je descends dans quelques arrêts et je vous remercie d'avance de votre patience...Elle n'a que 18 mois"

Et là, d'un seul coup, les choses s'inversent. Les regards réprobateurs se remplissent de compassion, et une dame s'approche de la fillette :

"Pauvre petite, c'est difficile pour toi, ce matin, tu aurais bien aimé rester à la maison et tu as dû te dépêcher pour aller à la garderie. Tiens, je crois que j'ai un petit quelque chose pour toi"

Et la dame sort un jouet de son sac à main. La petite se calme instantanément. Le dialogue s'engage alors entre les deux femmes et le reste du voyage se passe bien.

Cette expérience nous montre que nous avons le pouvoir de ne pas nourrir l'agressivité de l'autre et de la transformer. Mais en effet, cela implique d'avoir la capacité de mettre notre propre émotion à distance, du moins temporairement. Cela ne nous prive pas par la suite, de nous interroger par nous mêmes, sur la véritable cause de cette émotion. Comment ne pas être submergés par cette émotion, si ce n'est en l'écoutant ? D'où vient ce sentiment d'incompétence, qui nous a mis si mal à l'aise, et qui a suscité une telle réaction de notre entourage ? Comment développer notre confiance en tant que parents ? Comment agir la prochaine fois, pour éviter de nous sentir démunis devant ce comportement qui a suscité autant de réactions négatives ? Et si nous profitions de cette expérience pour nous améliorer ?

Et si la bienveillance se propageait ?

Ne serait-il pas plus agréable pour tous, de recevoir soutien et attention bienveillante ? Combien d'entre nous répondons à l'agressivité par l'agressivité, subissons en silence, ou ressentons de la honte dans ces moments là ? L'empathie émotionnelle, cette capacité à comprendre les raisons d'une émotion derrière l'émotion (j'en ai déjà parlé ici ), s'applique tout autant aux adultes qu'elle s'applique aux enfants. Car à l'intérieur de tout adulte qui juge, il y a un enfant meurtri, qui n'a pas reçu écoute et prise en compte de ses besoins. Il n'y a pas d'âge pour les recevoir. Et recevoir de l'empathie, peut permettre aux adultes de s'ouvrir à leurs propres sensibilités, et ainsi à celles de nos enfants.  N'oublions pas qu'une réelle écoute et présence à l'autre n'a pas d'objectif pour soi. Elle peut être l'occasion pour l'autre de s'ouvrir, mais ne doit pas devenir un enjeu ou un outil de manipulation. Ça ne fonctionnera peut-être pas à chaque fois. Mais je crois quand même, que cela vaut la peine d'essayer...

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